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a eu, par l’effet des lois restrictives de la Chambre du double vote, moins de blé, de viande, de fer, de drap, de toile, d’outils, de sucre, et moins de toutes choses qu’elle n’en aurait eu sans ces lois. »

— Vous me remettez sur la voie. Ces industriels disaient même que tel avait été non-seulement le résultat, mais le but des lois de la Chambre du double vote. Elles aspiraient à renchérir les produits en les raréfiant.

— D’où je déduisis ce dilemme : Ou elles n’ont pas raréfié les produits, et alors elles ne les ont pas renchéris, et le but a été manqué ; ou elles les ont renchéris, et en ce cas elles les ont raréfiés, et la France a été moins bien nourrie, vêtue, meublée, chauffée et sucrée.

Plein de foi dans ce raisonnement, j’entrepris une seconde campagne. Je me présentai chez le riche propriétaire et le priai de jeter les yeux sur mon calepin, ce qu’il fit un peu à contre-cœur.

Quand il eut fini sa lecture, Monsieur, lui dis-je, êtes-vous bien sûr que, relativement à vous, les excellentes intentions de la Chambre du double vote aient réussi ?

— Comment auraient-elles manqué de réussir ? répondit-il ; ne savez-vous pas que mieux je vends ma récolte, plus je suis riche ?

— C’est assez vraisemblable.

— Et ne comprenez-vous pas que moins il y a de blé dans le pays, mieux je vends ma récolte ?

— C’est encore vraisemblable.

Ergo

— C’est cet ergo qui me préoccupe, et voici d’où viennent mes doutes. Si la Chambre du double vote n’eût stipulé de protection que pour vous, vous vous seriez enrichi aux dépens d’autrui. Mais elle a voulu que d’autres s’enrichissent à vous dépens, comme le constate ce calepin. Êtes-vous bien sûr que la balance de ces gains illicites soit en votre faveur ?