Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/45

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Ainsi, si la réforme du régime hypothécaire parvenait à attirer une plus grande portion du capital national vers l’agriculture, ce ne pourrait être qu’en le détournant de l’industrie proprement dite, des prêts à l’État, des chemins de fer, des canaux, de la colonisation d’Alger, des hauts-fourneaux, des mines de houille, des grandes filatures, en un mot des diverses issues ouvertes à son activité.

Avant donc d’imaginer des moyens artificiels pour lui faire faire cette évolution, ne serait-il pas bien naturel de rechercher si une cause, également artificielle, n’a pas déterminé en lui l’évolution contraire ?

Eh bien ! oui, il y a une cause qui explique comment certaines entreprises ont aspiré le capital agricole.

Cette cause, je l’ai déjà dit, c’est l’imitation mal entendue du régime économique de l’Angleterre, c’est l’ambition, favorisée par la loi, de devenir, avant le temps, un peuple éminemment manufacturier, en un mot, c’est le système protecteur.

Si le travail, les capitaux, les facultés eussent été abandonnés à leur pente naturelle, ils n’auraient pas déserté prématurément l’agriculture, alors même que chaque Français eût été saisi de l’anglomanie la plus outrée. Il n’y a pas d’anglomanie qui détermine, d’une manière permanente, un homme à ne gagner qu’un franc au lieu de deux, un capital à se placer à 10 pour 100 de perte, au lieu de 10 pour 100 de profit. Sous le régime de la liberté, le résultat est là qui avertit à chaque instant si l’on fait ou non fausse route[1].

Mais quand l’État s’en mêle, c’est tout différent ; car quoiqu’il ne puisse pas changer le résultat général et faire que la perte soit bénéfice, il peut fort bien altérer les résultats partiels et faire que les pertes de l’un retombent sur l’autre.

  1. V. Harmonies, chap. xx. (Note de l’éditeur.)