nous rappelons qu’il fut beaucoup question, au comité de Rouen, il y a dix-huit mois, de l’opportunité de prêcher le libre-échange… en Espagne), mais à coup sûr il excitera la risée des auditeurs castillans. Mettant donc ses principes au-dessus de ses intérêts, voudra-t-il se montrer héroïque ? Imaginez ce Brutus de la restriction haranguant les Espagnols en ces termes : « Vous faites bien d’exhausser les barrières qui nous séparent. Je vous approuve de repousser nos navires, nos offreurs de services, nos commis-voyageurs, nos tissus de coton, de laine, de fil et de chanvre, nos mules, nos papiers peints, nos machines, nos meubles, nos modes, notre mercerie, notre orfévrerie, notre poterie, notre horlogerie, notre quincaillerie, notre parfumerie, notre tabletterie, notre ganterie, notre librairie. Ce sont toutes choses que vous devez faire vous-mêmes, quelque travail qu’elles exigent, et même d’autant plus qu’elles en exigent davantage. Je ne vous reproche qu’une chose, c’est de rester à moitié chemin dans cette voie. Vous êtes bien bons de nous payer un tribut de quatre-vingt-dix millions et de vous mettre dans notre dépendance. Méfiez-vous de vos libre-échangistes. Ce sont des idéologues, des niais, des traîtres, etc. » Ce beau discours serait sans doute applaudi en Catalogne. Serait-il approuvé à Lille et à Rouen ?
Il est donc certain que les associations protectionnistes des divers pays sont antagoniques entre elles, quoiqu’elles se donnent la même étiquette et professent en apparence les mêmes doctrines ; et, pour comble de singularité, si elles sympathisent avec quelque chose, d’un pays à l’autre, c’est avec les associations de libre-échange.
La raison en est simple. C’est qu’elles veulent à la fois deux choses contradictoires : des restrictions et des débouchés. Donner et ne pas recevoir, vendre et ne pas acheter, exporter et ne pas importer, voilà le fond de leur bizarre doc-