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à meilleur marché, tous les acheteurs réaliseront une épargne qui ira provoquer et rémunérer du travail[1].


— Vous venez de parler d’épargne. Oseriez-vous dire que le luxe des riches n’enrichit pas les marchands et les ouvriers ?

— Retournons à l’île de Robinson, pour nous faire une idée juste du luxe. Nous y voici ; que voyez-vous ?

— Je vois que Robinson est devenu Sybarite. Il ne mange plus pour satisfaire sa faim ; il tient à la variété des mets, donne à son appétit une excitation factice, et, de plus, il s’occupe à changer tous les jours la forme et la couleur de ses vêtements.

— Par là il se crée du travail. En est-il réellement plus riche ?

— Non ; car tandis qu’il chiffonne et marmitonne, ses armes se rouillent et sa case se délabre..

— Règle générale bien simple et bien méconnue : chaque travail donne un résultat et non pas deux. Celui qu’on dissipe à contenter des fantaisies puériles ne peut satisfaire des besoins plus réels et d’un ordre plus élevé.

— Est-ce qu’il en est de même dans la société ?

— Exactement. Pour un peuple, le travail qu’exige le goût des modes et des spectacles ne peut être consacré à ses chemins de fer ou à son instruction.

— Si les goûts de ce peuple se tournaient vers l’étude et les voyages, que deviendraient les tailleurs et les comédiens ?

— Professeurs et ingénieurs.

— Avec quoi la société payerait-elle plus de professeurs et d’ingénieurs ?

  1. V. au tome V, page 368, le chap. viii de Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas. (Note de l’éditeur.)