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— Parce que, répond-elle naïvement, ce qu’ils gagnent par le travail on le leur prend par l’impôt. On le distribue à des colonels, à des commodores, à des gouverneurs, à des diplomates. On va faire au loin des acquisitions de territoire, qui coûtent beaucoup à obtenir et plus à conserver. Or ce qui est gagné une fois ne peut être dépensé deux ; et ce que l’Anglais met à satisfaire sa gloriole, il ne le peut consacrer à satisfaire ses besoins réels.

— Quelle explication misérable et terre à terre ! s’écrie-t-on. Ce sont les colonies qui enrichissent l’Angleterre.

— Vous disiez tout à l’heure qu’elle était pauvre, quoiqu’elle travaillât beaucoup.

— Les travailleurs anglais sont pauvres, mais l’Angleterre est riche.

— C’est cela : le travail produit, la politique détruit ; et voilà pourquoi le travail n’a pas sa récompense.

— Mais c’est la politique qui provoque le travail, en lui donnant les colonies pour tributaires.

— C’est au contraire à ses dépens que sont fondées les colonies ; et c’est parce qu’il sert à cela qu’il ne sert pas à nourrir, vêtir, instruire et moraliser le travailleur.

— Mais voici un peuple qui est laborieux et n’a pas de colonies. Selon vous, il doit s’enrichir.

— C’est probable.

— Eh bien ! cela n’est pas. Tirez-vous de là.

— Voyons, dit-elle : peut-être que ce peuple est imprévoyant et prodigue. Peut-être est-ce sa manie de convertir tous ses revenus en fêtes, jeux, bals, spectacles, brillants costumes, objets de luxe, fortifications, parades militaires ?

— Quelle hérésie ! quand c’est le luxe qui enrichit les nations… Cependant ce peuple souffre. Comment n’a-t-il pas seulement du pain à discrétion ?…

— Sans doute que la récolte a manqué.

— C’est vrai. Mais les hommes n’ont-ils pas le droit de