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ces démonstrations par a+b, qui ne laissent plus de place à la controverse ! Son simple énoncé suffira pour montrer l’immense service que vous rendriez au pays et à l’humanité. Le voici :

Si un droit protecteur élève le prix d’un objet d’une quantité donnée, la nation gagne cette quantité une fois et la perd deux fois.

Si cette proposition est vraie, il s’ensuit que les nations s’infligent à elles-mêmes des pertes incalculables. Il faudrait reconnaître qu’il n’est aucun de nous qui ne jette des pièces d’un franc dans la rivière chaque fois qu’il mange ou qu’il boit, qu’il s’avise de toucher à un outil ou à un vêtement.

Et comme il y a longtemps que ce jeu dure, il ne faut pas être surpris si, malgré le progrès des sciences et de l’industrie, une masse bien lourde de misère et de souffrances pèse encore sur nos concitoyens.

D’un autre côté, tout le monde convient que le régime protecteur est une source de maux, d’incertitudes et de dangers, en dehors de ce calcul de profits et de pertes. Il nourrit les animosités nationales, retarde l’union des peuples, multiplie les chances de guerre, fait inscrire dans nos codes, au rang des délits et des crimes, des actions innocentes en elles-mêmes. Ces inconvénients accessoires du système, il faut bien s’y soumettre quand on croit que le système repose lui-même sur cette donnée : que tout renchérissement, de son fait, est un gain national. — Car, Monsieur, je crois avoir observé et vous aurez peut-être observé comme moi que, malgré le grand mépris que les individus et les peuples affichent pour le gain, ils y renoncent difficilement, — mais s’il venait à être prouvé que ce prétendu gain est accompagné d’abord d’une perte égale, ce qui fait compensation, puis d’une seconde perte encore égale, laquelle constitue une duperie bien caractérisée ; comme dans le cœur humain l’horreur des pertes est aussi fortement