Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/395

Cette page a été validée par deux contributeurs.

pour 5 francs deux paires de gants que je lui remettrai en échange de son fer.

— Peu importe, arrive enfin à la preuve.

— Soit ; maintenant calculons. — En ce qui concerne les 5 francs qui représentent le prix naturel du fer, il est clair que l’industrie française ne sera ni plus ni moins encouragée, dans son ensemble, soit que je les donne à vous pour faire le fer directement, soit que je les donne au gantier qui me fournit les gants que l’Anglais demande en échange du fer.

— Cela paraît raisonnable.

— Ne parlons donc plus de ces premiers 100 sous. Restent les autres 5 francs en litige. Vous dites que si je consens à les perdre, vous les gagnerez, et que votre industrie sera favorisée d’autant.

— Sans doute.

— Mais si je conclus avec l’Anglais, ces 100 sous me resteront. Précisément, je me trouve avoir grand besoin de chaussure, et c’est juste ce qu’il faut pour acheter des souliers. Voilà donc un troisième personnage, le cordonnier, intéressé dans la question. — Si je traite avec vous, votre industrie sera encouragée dans la mesure de 5 francs ; celle du cordonnier sera découragée dans la mesure de 5 francs, ce qui fait la balance exacte. — Et, en définitive, je n’aurai pas de souliers ; en sorte que ma perte sera sèche, et la nation, en ma personne, aura perdu 5 francs.

— Pas mal raisonné pour un bûcheron ! mais tu perds de vue une chose, c’est que les 5 francs que tu ferais gagner au cordonnier, — si tu traitais avec l’Anglais, — je les lui ferai gagner moi-même si tu traites avec moi.

— Pardon, excuse, maître ; mais vous m’avez vous-même appris, l’autre jour, à me préserver de cette confusion.

J’ai 10 francs ;