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tème, quiconque ose réclamer contre un monopole doit préalablement fournir la preuve qu’il connaît à fond l’industrie à laquelle ce monopole a été conféré. Ils nous disent, à nous, que nous ne sommes pas aptes à juger si la loi doit se mêler de nous faire surpayer les transports, parce que nous n’avons jamais armé de navires. Mais alors on leur dira : Avez-vous jamais dirigé un haut fourneau, une filature, une fabrique de drap ou de porcelaine, une exploitation agricole ? Quel droit avez-vous de vous défendre contre les taxes que ces industries vous imposent ?

La tactique des prohibitionnistes est admirable. Par elle, si le public en est dupe, ils sont toujours sûrs au moins du statu quo. Si vous n’appartenez pas à une industrie protégée, ils déclinent votre compétence. « Tu n’es que rançonné, tu n’as pas la parole. » — Si vous appartenez à une industrie protégée, ils vous permettent de parler, mais seulement de votre intérêt spécial, le seul que vous êtes censé connaître. Ainsi, le monopole ne rencontrerait jamais d’adversaire[1].


57. — UN PROFIT CONTRE DEUX PERTES.


9 Mai 1847.


Il y a maintenant dix-sept ans qu’un publiciste, que je ne nommerai pas, dirigea contre la protection douanière un argument, sous forme algébrique, qu’il nommait la double incidence de la perte.

Cet argument fit quelque impression. Les privilégiés se hâtèrent de le réfuter ; mais il arriva que tout ce qu’ils firent dans ce but ne servit qu’à élucider la démonstration,

  1. L’auteur a signalé plus tard le danger d’une classification scientifique uniquement basée sur les phénomènes de la production. V. au tome VI les pages 346 et 347. (Note de l’éditeur.)