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miler la richesse acquise par la force à la richesse acquise par le travail ? Et si le peuple considère toute élévation, même l’élévation naturelle par l’industrie, l’épargne, l’exercice de toutes les vertus, comme un obstacle à renverser, — quel motif, quel stimulant, quelle raison d’être restera-t-il à l’activité et à la prévoyance humaine[1] ?

Il est affligeant de penser qu’une erreur, grosse d’éventualités si funestes, est le fruit de la profonde ignorance dans laquelle l’éducation moderne retient les générations actuelles sur tout ce qui a rapport au mécanisme de la société.

Ne voyons donc pas deux nations dans la nation ; il n’y en a qu’une. Des degrés infinis dans l’échelle des fortunes, toutes dues au même principe, ne suffisent pas pour constituer des classes différentes, encore moins des classes hostiles.

Cependant, il faut le dire, il existe dans notre législation, et principalement la législation financière, certaines dispositions qui n’y semblent maintenues que pour alimenter et, pour ainsi dire, justifier l’erreur et l’irritation populaires.

On ne peut nier que l’influence législative concentrée dans les mains du petit nombre, n’ait été quelquefois mise en œuvre avec partialité. La bourgeoisie serait bien forte devant le peuple, si elle pouvait dire : « Notre participation aux biens communs diffère par le degré, mais non par le principe. Nos intérêts sont identiques ; en défendant les miens, je défends les vôtres. Voyez-en la preuve dans nos lois ; elles sont fondées sur l’exacte justice. Elles garantissent également toutes les propriétés, quelle qu’en soit l’importance. »

Mais en est-il ainsi ? La propriété du travail est-elle traitée

  1. V. tome V, page 383, le chap. du pamphlet : Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas, et au tome VI, la fin du chap. vi. (Note de l’éditeur.)