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LE LIBRE-ÉCHANGE

LETTRE.

Mugron, le 9 septembre 1847

« Monsieur,

J’apprends avec une vive satisfaction l’entrée dans le monde du journal que vous publiez dans le but de défendre la propriété intellectuelle.

Toute ma doctrine économique est renfermée dans ces mots : Les services s’échangent contre des services, ou en termes vulgaires : Fais ceci pour moi, je ferai cela pour toi, ce qui implique la propriété intellectuelle aussi bien que matérielle.

Je crois que les efforts des hommes, sous quelque forme que ce soit, et les résultats de ces efforts, leur appartiennent, ce qui leur donne le droit d’en disposer pour leur usage ou par l’échange. J’admire comme un autre ceux qui en font à leurs semblables le sacrifice volontaire ; mais je ne puis voir aucune moralité ni aucune justice à ce que la loi impose systématiquement ce sacrifice. C’est sur ce principe que je défends le libre-échange, voyant sincèrement dans le régime restrictif une atteinte, sous la forme la plus onéreuse, à la propriété en général, et en particulier à la plus respectable, la plus immédiatement et la plus généralement nécessaire de toutes les propriétés, celle du travail.

Je suis donc, en principe, partisan très-prononcé de la propriété littéraire. Dans l’application, il peut être difficile de garantir ce genre de propriété. Mais la difficulté n’est pas une fin de non-recevoir contre le droit.

La propriété de ce qu’on a produit par le travail, par l’exercice de ses facultés, est l’essence de la société. Antérieure aux lois, loin que les lois doivent la contrarier, elles n’ont guère d’autre objet au monde que de la garantir.