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bitionnistes ont obtenu beaucoup plus, — parce que la législature met le Trésor public à leur disposition, et vous fait payer à vous-mêmes ce qu’il en coûte pour vous ravir votre liberté ? (Vive émotion.) Un homme célèbre a dit : La France est assez riche pour payer sa liberté ; la France est assez riche pour payer sa gloire. Dira-t-on aussi : La France est assez riche pour payer ses chaînes ? (Rires.)

Mais, Messieurs, étudions la question non plus économiquement, mais géographiquement. Si la restriction a été imaginée dans l’intérêt des masses, la liberté doit être un produit aristocratique, quoique assurément ces deux mots, liberté, aristocratie, hurlent de se trouver ensemble.

Voici d’abord la Suisse : c’est le pays le plus démocratique de l’Europe. Là, l’ouvrier a un suffrage qui pèse autant que celui de son chef. Et la Suisse n’a pas voulu de douane même fiscale.

Ce n’est pas qu’il ait manqué de gros propriétaires de champs et de forêts, de gros entrepreneurs qui aient essayé d’implanter en Suisse la restriction. Ces hommes qui vendent des produits disaient à ceux qui vendent leur travail : Soyez bonnes gens ; laissez-nous renchérir nos produits, nous nous enrichirons, nous ferons de la dépense, et il vous en reviendra de gros avantages par ricochet. (Hilarité.) Mais jamais ils n’ont pu persuader au peuple suisse qu’il fût de son avantage de payer cher ce qu’il peut avoir à bon marché. La doctrine des ricochets n’a pas fait fortune dans ce pays. Et, en effet, il n’y a pas d’abus qu’on ne puisse justifier par elle. Avant 1830, on pouvait dire aussi : C’est un grand bonheur que le peuple paye une liste civile de 36 millions. La cour mène grand train, et l’industrie profite par ricochet

En vérité, je crois que, dans certain petit volume, j’ai négligé d’introduire un article intitulé : Sophisme des ricochets.