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s’y prendre de manière à laisser paraître le poinçon sacré, ce qui entraîne beaucoup de fausses manœuvres et de déchets. Enfin, la houille et l’outillage ont payé d’énormes droits.

Malgré cela, la fabrique prospère ; et, chose bien remarquable, elle emploie aujourd’hui plus de fer national qu’elle n’en consommait avant d’être autorisée à mettre en œuvre du fer étranger. Pourquoi ? Parce qu’alors ce n’était qu’un établissement mesquin, et aujourd’hui c’est une usine considérable ; parce qu’elle a décuplé ses produits, et que le fer français étant nécessaire pour certaines pièces il en entre plus partiellement dans dix machines qu’il n’en entrait exclusivement dans une seule.

Voilà qui est assez satisfaisant pour notre pays, mais voici qui l’est beaucoup moins.

Quand un acquéreur se présente, notre manufacturier écoute attentivement de quelle manière il prononce le mot machine, car cela a une grande influence sur la transaction qui doit suivre.

Si le client dit : Combien cette maquina ou macine ? le manufacturier répond : 20 000 francs. Mais si le client a le malheur d’articuler en bon français machine, on lui demande sans pitié 30 000 francs. Pourquoi cette différence ? Quel rapport y a-t-il entre le prix de la machine et la manière dont le mot se prononce ? Il y en a un très-intime ; et notre fabricant, qui a beaucoup de sagacité, devine que le client qui dit macine est un Italien, et que le client qui dit machine est un Français. Or le Français, en qualité de citoyen protégé (rire prolongé), doit payer un travail exécuté en France un tiers de plus que l’étranger ; car si la machine entre dans la consommation française, elle a 33 p. 100 de droits à acquitter, d’où il résulte que les étrangers nous battent avec nos propres armes. Mais que voulez-vous ? la protection est une si bonne chose, qu’il faut bien subir