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qu’on répète sans cesse en empruntant et parodiant les paroles de Bossuet : « Le libre-échange se meurt, le libre-échange est mort ! » Le libre-échange est mort ! Je ne sais si ceux qui le disent le croient ; mais, quant à moi, je ne l’ai jamais cru, parce que, s’il y a beaucoup de choses périssables dans ce monde, il y en a une au moins qui ne meurt jamais : c’est la vérité.

Le terrain de la discussion peut être longtemps envahi par des erreurs opposées. La vérité peut être lente à s’y montrer. Mais dès qu’elle y paraît, elle est invincible ; et pour que messieurs les protectionnistes suspendissent les chants funèbres qu’ils ont entonnés sur la tombe imaginaire du libre-échange, il suffirait peut-être qu’ils jetassent les yeux sur cette assemblée si nombreuse, si imposante, si éclairée et si sympathique.

Messieurs, soyons sûrs d’une chose : si le libre-échange pouvait mourir, ce qui le tuerait, ce n’est pas la discussion, c’est l’indifférence. Si on le discute, il vit. Je dirai même qu’il marche vers son triomphe. Or, voyez ce qui se passe. En Suisse et en Toscane, il règne. En Angleterre, il a surmonté des obstacles formidables. Aux États-Unis, l’intérêt national a vaincu le privilége. À Naples, le tarif a subi une réforme profonde. En Prusse, le développement du régime protecteur a été brusquement arrêté. On assure que l’empereur de Russie médite de révolutionner le système des douanes dans un sens libéral. En Espagne même, la discussion est portée sur un terrain officiel par une enquête dont les commencements promettent les plus heureux résultats. Des associations pour le libre-échange se sont formées à Gênes, à Rome, à Amsterdam ; et, dans un mois, des hommes éminents, accourus de tous les points de l’Europe, se réuniront à Bruxelles pour y soutenir la sainte cause de la libre communication des peuples. Sont-ce là des signes de mort ? et ne devons-nous pas plutôt concevoir l’espérance