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née, je l’espère, à rallier les écoles dissidentes. Cette formule est celle-ci : Les services s’échangent contre les services.

D’abord, Messieurs, vous remarquerez que cette seconde formule fait rentrer dans le domaine de la science une foule de professions que la première semble en exclure ; car on ne saurait, sans forcer le sens des termes, donner le nom de produit à l’œuvre qu’accomplissent dans la société les magistrats, les militaires, les écrivains, les professeurs, les prêtres et même les négociants ; ils ne créent pas des produits, ils rendent des services.

Ensuite, cette formule efface la fausse distinction qu’on a faite entre les classes dites productives et improductives ; car, si l’on y regarde de près, on reste convaincu que ce qui s’échange entre les hommes, ce n’est précisément pas les produits, mais les services ; et ceci devant nous conduire à de vastes aperçus, je vous demande, Messieurs, un instant d’attention.

Si vous décomposez un produit quel qu’il soit, vous vous apercevrez qu’il est le résultat de la coopération de deux forces : une force naturelle et une force humaine. Prenez-les tous, l’un après l’autre, depuis le premier jusqu’au dernier, et vous reconnaîtrez que pour amener une chose à cette condition d’utilité qui la rend propre à notre usage, il faut toujours le concours de la nature et souvent le concours du travail.

Or, il est démontré, pour moi, que ce concours de la nature est toujours gratuit. Ce qui fait l’objet de la rémunération, c’est le service rendu à l’occasion d’un produit. On nous livre un produit ; on nous fait payer la peine, l’effort, la fatigue dont il a été l’occasion, en un mot, le service rendu, mais jamais la coopération des agents naturels[1].

Messieurs, je n’ai certes pas la prétention de faire ici un

  1. V. au tome VI, le chap. v, et au tome IV, le chap. iv. (Note de l’éditeur.)