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tre boules. S’il fait l’expérience pour la première fois, tout ce qu’il peut énoncer, c’est ce fait particulier : « Aujourd’hui, à quatre heures, à Marseille, deux boules et deux boules font quatre boules. » Mais s’il a renouvelé l’expérience de jour et de nuit, sur plusieurs points du globe, avec des objets divers, il peut à chaque fois éliminer les circonstances de temps, de lieux, de sujet, et proclamer que « deux et deux font quatre. » C’est une abstraction de l’école, soit ; mais c’est surtout une vérité universelle, une de ces formules qu’on ne peut interdire à l’arithmétique sans en arrêter immédiatement les progrès.

Et voyez, Messieurs, l’influence des mots. Vous savez combien nos adversaires nous dépopularisent et nous ridiculisent, en nous jetant à la face le mot abstraction. Vous êtes dans l’erreur, s’écrient-ils, car ce que vous dites est une abstraction ! et ils ont les rieurs pour eux. Mais voyez quelle figure ils feraient, si l’école n’eût pas inventé ce mot et qu’ils fussent réduits à nous dire : « Vous êtes dans l’erreur, car ce que vous dites est une vérité universelle. » (Rires.) Vous riez, Messieurs, et cela prouve que les rieurs passeraient de notre côté. (Nouveaux rires.)

La science économique a aussi une formule, promulguée par J. B. Say, formule qui ruine de fond en comble le régime restrictif. C’est celle-ci : Les produits s’échangent contre des produits. On peut contester la vérité de cette formule, mais une fois reconnue vraie, on ne peut nier qu’elle ne renverse tous les arguments protectionnistes, particulièrement celui du travail national ; car si chaque importation implique et provoque une exportation correspondante, il est clair que les importations peuvent aller jusqu’à l’infini sans que le travail national en reçoive aucune atteinte.

Qu’est-ce donc que le commerce ? Je dis que le commerce est un troc, un ensemble, une série, une multitude de trocs.