puisqu’il signale à ceux qui lui parlent la voie qu’il faut qu’ils prennent pour en être écoutés.
Sans doute, Messieurs, guidés par cette indication, par cette exigence des lecteurs, les faiseurs de projets, les inventeurs de sociétés, tourmenteront souvent cette corde de la philanthropie jusqu’à la faire grincer[1] ; mais comme on a dit que l’hypocrisie était un hommage rendu à la vertu, de même on peut dire que l’affectation philanthropique est un hommage à ce sentiment de justice et de bienveillance universelle qui prend de plus en plus possession de notre siècle et de notre pays ; et félicitons-nous de ce que ce sentiment existe, car, dès qu’il sera éclairé, il fera notre force.
C’est pourquoi, Messieurs, je voudrais soumettre à votre examen une vue du libre échange qui réponde tout à la fois aux arguments des protectionnistes et aux scrupules du patriotisme et de la philanthropie. Je le ferai avec d’autant plus de confiance que la question a été parfaitement traitée sous d’autres aspects par les honorables orateurs qui m’ont précédé à cette tribune ; et dès lors il me sera permis, devant une assemblée aussi éclairée, et malgré la défaveur qui s’attache au mot, de me lancer un peu dans le domaine de l’abstraction.
Et puisque ce mot se présente à mes lèvres, permettez-moi une remarque.
J’ai bien souvent maudit la scolastique pour avoir inventé le mot abstraction, qui exige tant de commentaires, quand elle avait à sa disposition le mot si simple et si juste : vérité universelle. Car, regardez-y de près, qu’est-ce qu’une abstraction, si ce n’est une vérité universelle, un de ces faits qui sont vrais partout et toujours ?
Un homme tient deux boules à sa main droite et deux à sa main gauche. Il les réunit et constate que cela fait qua-
- ↑ V. tome IV, page 74.(Note de l’éditeur.)