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donnée, car l’humanité a une souplesse merveilleuse. Mais les arrangements ne changent pas la nature des choses, ils s’y conforment, et savez-vous comment, à la longue, l’équilibre se rétablit ? Par la mort. La mort prend soin, à la longue et après bien des souffrances, de faire descendre la population au niveau de ce que peuvent nourrir des salaires réduits, tout au plus restés invariables, et combinés avec la cherté de la vie.

Puisque j’ai touché à ce formidable sujet de la population, je relèverai une objection qui nous a été faite en sens inverse.

On nous a dit : Le libre-échange est impuissant à conférer à la classe ouvrière un bien permanent. Il est vrai qu’il baissera le prix de la vie sans altérer le salaire, et conférera par conséquent plus de bien-être aux travailleurs ; mais ils multiplieront en vertu de ce bien-être même, et au bout de vingt ans, ils se trouveront replacés dans leur condition actuelle.

D’abord, cela n’est pas sûr ; il est possible que le capital augmente pendant ses vingt années aussi rapidement que la population.

Ensuite, il faut tenir compte des habitudes et des idées de prévoyance que donnent vingt ans de bien-être.

Mais, enfin, en admettant cette loi fatale, ne voit-on pas la faiblesse de l’objection ? N’est-ce rien que vingt années de bien-être ? est-ce une chose à dédaigner ? Mais c’est ainsi que la société progresse. D’ici à vingt ans elle aura accompli quelque autre œuvre qui prolongera le bien-être de vingt ans encore. Et quelle est la réforme à laquelle on ne pourrait opposer la même fin de non-recevoir ? Trouvez-vous un moyen de supprimer l’octroi sans le remplacer par aucun autre impôt ? Avez-vous imaginé un engrais qui ne coûte rien, et qui doit accroître prodigieusement la fertilité de la terre ? Je vous dirai : À quoi bon ? Brûlez votre in-