Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/294

Cette page a été validée par deux contributeurs.

est impossible de voir, dans ce pur remue-ménage (passez-moi la vulgarité du mot), aucun profit pour la classe ouvrière. Mais, a-t-elle perdu ? Non, elle n’a pas perdu du côté des salaires (si ce n’est par les inconvénients qu’entraîne la perturbation, inconvénients qu’on ne remarque pas quand il s’agit d’établir un abus, mais dont on fait grand bruit et auxquels les protectionnistes s’attachent avec des dents de boule-dogues quand il est question de l’extirper) ; la classe ouvrière n’a rien perdu ni gagné du côté du salaire, puisque le capital n’a été augmenté ni diminué, mais seulement déplacé. Mais reste toujours cette cherté du drap que j’ai constatée tout à l’heure, que je vous ai signalée comme l’effet immédiat, inévitable, incontestable de la mesure ; et à présent, je vous le demande, à cette perte, à cette injustice qui frappe l’ouvrier, où est la compensation ? Si quelqu’un en sait une, qu’il me la signale.

Et songez, Messieurs, qu’une perte semblable se renouvelle vingt fois par jour, — à propos du blé, à propos de la viande, à propos de la hache et de la truelle. L’ouvrier ne peut ni manger, ni se vêtir, ni se chauffer, ni travailler, sans payer ce tribut au monopole. On parle de sa malheureuse condition. Pour moi, ce qui m’étonne, en présence de tels faits, c’est que cette condition ne soit pas cent fois plus malheureuse encore.

Heureusement que cette cherté ne se maintient jamais, grâce au ciel, à la hauteur où les monopoleurs voulaient l’élever. Je le reconnais ici, parce qu’avant tout il faut être vrai. La concurrence intérieure vient toujours déjouer, dans une certaine mesure, les espérances et les calculs des protectionnistes.

Aux entrepreneurs d’industrie, le régime restrictif offre des compensations. S’ils payent plus cher ce qu’ils achètent, ils font payer plus cher ce qu’ils vendent ; non qu’ils ne perdent, en définitive, mais enfin leur perte est atté-