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ment que par des raisonnements qui s’appliquent à chaque partie comme à l’ensemble ?

Mais, dit-on, la Ligue anglaise a bien fait ce que nous conseillons.

La réponse est simple : c’est qu’il n’en est rien.

Il est bien vrai que l’anti-corn-law-league, comme son titre l’indique, a d’abord concentré ses efforts contre la loi céréale. Mais pourquoi ?

Parce que le monopole des blés était, dans le régime restrictif de la Grande-Bretagne, la part des mille législateurs anglais.

Dès lors, les Ligueurs disaient avec raison : Si nous parvenons à soustraire à nos mille législateurs leur part de monopole, ils feront bon marché du monopole d’autrui. Voilà pourquoi, quand la loi-céréale a été vaincue, M. Cobden a quitté le champ de bataille ; et quand on lui disait : Il reste encore bien des monopoles à abattre, il répondait : The landlords will do that, les landlords feront cela.

Y a-t-il rien de semblable en France ? Les maîtres de forges sont-ils seuls législateurs et le sont-ils par droit de naissance ? Ont-ils, en cette qualité, accordé quelques bribes de priviléges aux autres industries pour justifier les priviléges énormes qu’ils se seraient votés eux-mêmes ?

Si cela est, la tactique est tout indiquée. Forçons ceux qui font la loi de ne pas la faire à leur profit, et rapportons-nous-en à eux pour ne pas la faire à leur préjudice.

Mais puisque notre position n’est pas celle de la Ligue, qu’on nous permette, tout en admirant ses procédés, de ne pas les prendre pour modèle.

Qu’on ne perde pas de vue d’ailleurs qu’il est arrivé aux manufacturiers anglais précisément ce qui nous arriverait, disons-nous, à nous-mêmes, si nous appelions à notre aide toutes les classes de monopoleurs, hors une, pour attaquer celle-là.