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les idées ou les convictions me fassent défaut. Au contraire, car, quand j’ai voulu mettre quelque ordre dans les démonstrations que j’avais à vous soumettre, elles se sont présentées en si grand nombre à mon esprit que, malgré mes efforts, il m’a été impossible de faire entrer tous ces matériaux dans le cadre d’un discours ; et j’ai dû prendre le parti de m’en remettre beaucoup à l’inspiration du moment et à votre bienveillance.

Et cependant, cette grande question du salariat, je dois la circonscrire à un seul point de vue, car vous n’attendez pas que je la traite ici dans tous ses aspects moraux, sociaux, philosophiques et politiques.

Cela me conduirait à scruter les fondements de la propriété, l’origine et les fonctions du capital, les lois de la production, de la répartition des richesses, et même de la population ; à rechercher si le salariat est, pour une portion de l’humanité, une forme naturelle, équitable et utile de participation aux fruits du travail ; si cette forme a toujours existé, si elle est destinée à disparaître, et, enfin, si elle est une transition entre un mode imparfait et un mode moins défectueux de rémunération, entre le servage dans le passé et l’association dans l’avenir.

Loin de moi de blâmer les hardis pionniers de la pensée qui explorent ces vastes régions. Quelquefois, il est vrai, j’ai souhaité de leur voir poser le pied sur le terrain solide des vérités acquises, plutôt que de rester dans le vague ou d’emprunter les ailes de l’imagination. J’ai peu de foi, je l’avoue, dans ces arrangements sociaux, dans ces organisations artificielles que chaque matin voit éclore et que chaque soir voit mourir. Il n’est pas probable qu’à un signal donné l’humanité se laisse jeter dans un moule, quelque séduisante qu’en soit la forme, quel que soit le génie de l’inventeur. La société m’apparaît comme une résultante. Les faits passés qui exercent tant d’influence sur le présent,