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grands apôtres de la restriction ! « Si la douane n’était que fiscale, dit M. Ferrier, elle donnerait peut-être le double de revenu. » « Il n’est pas étonnant, ajoute M. de Saint-Cricq, que la douane rende peu, puisque son objet est précisément d’éloigner les occasions de perception ! »

Donc, en transformant la douane protectrice en douane fiscale, c’est-à-dire en faisant une institution nationale de ce qui n’est qu’une machine à priviléges, vous avez de quoi faire face à la réforme de la poste et du sel.

Mais ce n’est pas tout, je vous ai fait voir que la restriction était un principe de guerre ; par cela même le libre-échange est un principe de paix. Qu’on dise que je suis un rêveur, un enthousiaste, peu m’importe, je soutiens qu’avec le libre-échange et l’entrelacement des intérêts qui en est la suite, nous n’avons plus besoin, pour maintenir notre indépendance, de transformer cinq cent mille laboureurs en cinq cent mille soldats. Quand les Anglais pourront aller, comme nous, à la Martinique et à Bourbon, quand nous pourrons aller, aussi bien qu’eux, à la Jamaïque et dans l’Inde, quel intérêt aurions-nous à nous arracher des colonies et des débouchés ouverts à tout le monde ?

Non, je ne me laisse pas aller ici à un désir, à un sentiment, à une vague espérance. J’obéis à une conviction entière, fondée sur ce qui est pour moi une démonstration rigoureuse, quand je dis que l’esprit du libre-échange est exclusif de l’esprit de guerre, de conquête et de domination. Dès que l’on comprendra que la prospérité réelle, durable, inébranlable de chaque industrie particulière est fondée, non sur les monopoles nuisibles aux masses, mais au contraire sur la prospérité des masses qui sont sa clientèle, c’est-à-dire du monde entier ; quand les Lyonnais croiront que plus les Américains, les Anglais, les Russes, seront riches, plus ils achèteront de soieries ; quand la même conviction existera dans chaque centre de population et d’in-