conviendra qu’il doit y avoir une dissemblance, quant aux effets, entre deux ordres d’action si différents par leur nature.
Comment se fait-il que le résultat de la lutte industrielle soit de faire participer le vaincu aux avantages de la victoire ? J’expliquerai ceci par un exemple familier, trop familier peut-être pour cette enceinte, mais que je vous demande la permission de vous soumettre comme très-propre à faire comprendre ma pensée.
Dans une petite ville, la maîtresse de maison fait ce qu’on nomme le pain du ménage. Mais voici qu’un boulanger s’établit aux environs. Notre ménagère calcule qu’elle aurait plus de profit à s’adresser à l’industrie rivale. Cependant elle essaye de lutter. Elle s’efforce de mieux faire ses achats de blé, de ménager le combustible et le temps. Mais, de son côté, le boulanger fait des efforts semblables. Plus la ménagère diminue son prix de revient, plus le boulanger diminue son prix de vente, jusqu’à ce qu’enfin l’industrie du ménage succombe. Mais remarquez bien qu’elle ne succombe que parce qu’elle confère au ménage plus de profit en succombant qu’elle n’eût fait en se maintenant.
Il en est de même quand deux nations sont en lutte industrielle sur le terrain du bon marché ; et si les Anglais, par exemple, placés dans des conditions plus favorables, nous fournissent de la houille, ou le Brésil du sucre, à si bas prix qu’on n’en puisse plus faire en France, renoncer à en produire chez nous, c’est constater précisément l’avantage supérieur que nous trouvons à l’acheter ailleurs.
Entre ces deux cas, il n’y a qu’une différence : dans l’un, les qualités de producteur et de consommateur se confondent dans la même personne, et dès lors tous les effets de la prétendue défaite se montrent en même temps et sont faciles à comprendre ; dans l’autre, le consommateur de la houille ou du sucre n’est pas le même que le