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nous savons de géographie et de topographie ; voilà tout.

Il y a cependant une différence. Quand on prouve à un cocher qu’il se trompe, son erreur se dissipe tout à coup, et il tourne bride au plus tôt. Il n’en est pas ainsi de la réforme commerciale. Elle ne peut que suivre le progrès de l’opinion, et, en ces matières, ce progrès est lent et successif. Vous voyez donc bien que, d’après nous-mêmes, l’instantanéité d’une réforme, fût-elle désirable, est une impossibilité.

Après tout, je m’en console aisément, Messieurs, et je vous dirai pourquoi. C’est que les lumières qu’une discussion prolongée concentrera sur la question du libre-échange, devront nécessairement éclairer d’autres questions économiques qui ont, avec le libre-échange, la plus étroite affinité.

Je vous en citerai quelques-unes.

Par exemple, vous connaissez ce vieil adage : Le profit de l’un est le dommage de l’autre. On en a conclu qu’un peuple ne pouvait prospérer qu’aux dépens des autres peuples ; et la politique internationale, il faut le dire, est fondée sur cette triste maxime. Comment a-t-elle pu entrer dans les convictions publiques ?

Il n’y a rien qui modifie aussi profondément l’organisation, les institutions, les mœurs et les idées des peuples que les moyens généraux par lesquels ils pourvoient à leur subsistance ; et ces moyens, il n’y en a que deux : la spoliation, en prenant ce mot dans son acception la plus étendue, et la production. — Car, Messieurs, les ressources que la nature offre spontanément aux hommes sont si limitées, qu’ils ne peuvent vivre que sur les produits du travail humain ; et ces produits, il faut qu’ils les créent ou qu’ils les ravissent à d’autres hommes qui les ont créés.

Les peuples de l’antiquité, et particulièrement les Romains, — dans la société desquels nous passons tous notre