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par cette porte dans la vie publique sans que la pureté de la conscience en soit altérée. Je sais bien comment raisonne le candidat en face de ces exigences. Il se dit : Pour cette fois, je vais déserter le principe et avoir recours à l’expédient. Il s’agit de réussir. Mais une fois nommé, je reprendrai toute la sincérité de mes convictions… Oui, mais quand on a fait un premier pas dans la voie dangereuse de l’équivoque, il se rencontre toujours quelque motif qui décide à en faire un second, jusqu’à ce qu’enfin, alors même que les circonstances extérieures vous rendraient toute votre liberté, le mal a pénétré dans la conscience elle-même ; et l’on se trouve descendu de ce niveau de rectitude où l’on aurait voulu se tenir. Et voyez les conséquences ! De toutes parts on se plaint et on dit : Les conservateurs n’ont pas de plan ; l’opposition n’a pas de programme. Si l’on remontait à la cause, peut-être la trouverait-on dans l’esprit du corps électoral lui-même, qui exige des candidats la renonciation à un principe, c’est-à-dire à toute idée arrêtée, à toute logique, à toute foi.

Et certes, s’il est un droit qu’on puisse réclamer à titre de droit, c’est-à-dire en conformité d’un principe, c’est bien la liberté des échanges.

Ainsi que nous l’avons dit dans notre programme, nous considérons l’échange non-seulement comme un corollaire de la propriété, mais comme se confondant avec la propriété elle-même, comme étant un de ses éléments constitutifs. Il nous est impossible de concevoir la propriété respective de choses que deux hommes ont créées par le travail, si ces deux hommes n’ont pas le droit de les troquer, l’un d’eux fût-il étranger. Et quant au dommage national qui doit, dit-on, résulter de ce troc, nous ne pouvons comprendre qu’on nuise à son pays en cédant à un étranger, contre un objet de valeur équivalente, la chose même qu’on a le droit de consommer et de détruire.