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que, dit-on, cela nuirait au travail national. — Mais en quoi cent mille trocs de ce genre peuvent-ils jamais porter atteinte au travail national, puisque tout travail étranger que je fais entrer dans le pays implique un travail national que j’en ai fait sortir ? Je sais bien que le commerce ne se compose pas ainsi de trocs directs entre le producteur immédiat et le consommateur immédiat. Mais tout ce vaste mécanisme qu’on appelle commerce, ces navires, ces banquiers, négociants, marchands, ce numéraire, peuvent-ils altérer la nature intime de l’échange, qui est toujours troc de travail contre travail ? Qu’on y regarde de près, et l’on se convaincra qu’ils n’ont d’autre destination et d’autre résultat que de faciliter et multiplier à l’infini les échanges.

Ainsi, si nous n’avons pas le levier populaire que la Ligue anglaise a mis en œuvre, il ne nous est pas nécessaire. Nous n’avons point à exalter les passions démocratiques jusqu’à les rendre menaçantes. Nous n’attaquons pas les intérêts d’un corps de législateurs héréditaires ; la seule chose que nous ayons à combattre, c’est une erreur, une fausse notion, un préjugé profondément enraciné dans les esprits, et qui développe sur sa tige ce fruit empoisonné, le monopole. Nous n’attaquons pas même spécialement telle ou telle restriction en particulier. Comme le laboureur n’arrache pas un à un tous les joncs qui infestent sa prairie, mais la saigne, et en détourne l’humidité malfaisante qui leur sert d’aliment, nous attaquons dans les intelligences le principe même de la protection qui nourrit tous les monopoles. La tâche est immense sans doute ; mais ne trouvons-nous pas de puissants auxiliaires dans les faits qui s’accomplissent autour de nous ? Les États-Unis sont sur le point d’affranchir les importations. Qui n’a lu le message du président Polk et l’admirable rapport du secrétaire Walker ? Le Zollverein suspend les réunions où devait se décider l’élévation de ses tarifs ; et que dirai-je de la grande mesure de sir Robert Peel,