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berté, droits de l’homme, oppression féodale, venaient naturellement se placer dans la question économique, lui enlever son aridité et lui faire trouver le chemin de la fibre la plus vibrante du cœur humain. On parlait aux cœurs, on parlait même aux estomacs, car, par une coïncidence qui s’explique naturellement, il arrivait que la part de l’aristocratie terrienne dans la protection pesait sur les aliments et principalement sur le pain.

Cette situation étant donnée, on comprend les procédés de la Ligue, meetings monstres, souscriptions monstres, appels au peuple, éloquence passionnée, inscription incessante des ouvriers sur les listes électorales, enfin toute l’agitation nécessaire pour mettre aux mains d’un seul homme, Cobden, des forces populaires capables de faire capituler la puissance des whigs et des tories. Hé bien ! qu’a de commun cette situation avec la nôtre ? Si, comme les Anglais, nous avons un préjugé économique à détruire, avons-nous comme eux une puissance féodale à combattre ? Avons-nous un 89 à montrer toujours au bout de nos efforts, comme notre ultima ratio ? Non ; 89 a passé sur la France. Nous avons des pouvoirs publics qui empruntent à l’opinion la pensée de la loi ; c’est donc sur l’opinion que nous devons agir, notre mission est purement enseignante ; ce que nous demandons est ceci : Le droit de propriété est-il reconnu en France ? Avons-nous ou n’avons-nous pas la propriété de nos facultés ? Avons-nous ou n’avons-nous pas la propriété de notre travail ? Si nous l’avons, comment se fait-il que cette chose qui est le fruit de mes sueurs, cette chose que je puis consommer directement et détruire pour mon usage, je ne la puisse pas porter sur quelque marché que ce soit dans le monde, pour l’y troquer contre une autre chose qui est plus à ma convenance ; ou du moins comment se fait-il que je ne puisse pas rapporter en France cette autre chose qu’on a consenti à me donner en échange ? — Parce