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le climat de l’Écosse, afin de solliciter par la vive piqûre des besoins l’énergie des habitants. Il est possible que cela réussît. Mais est-ce là la mission des gouvernements ? Le droit des hommes d’État va-t-il jusque-là ? Et parce qu’un homme a été poussé par le vent des circonstances au timon des affaires, parce qu’il a reçu une commission de ministre, son omnipotence légitime sur tous ses semblables va-t-elle jusqu’au point de les faire souffrir, d’accumuler autour d’eux les difficultés et les obstacles, afin de les rendre actifs et laborieux[1] ?

Une telle pensée a sa source dans cette doctrine fort répandue de nos jours, que les gouvernés sont de la matière inerte sur laquelle les gouvernants peuvent faire toutes sortes d’expériences.

Beaucoup de publicistes ont eu le tort de ne pas donner assez d’importance aux fonctionnaires publics et de les considérer comme une classe improductive. Les écoles modernes nous semblent tomber dans l’exagération contraire, en faisant des gouvernants des êtres à part, placés en dehors et au-dessus de l’humanité, ayant mission, comme dit Rousseau, de lui donner le sentiment et la volonté, le mouvement et la vie[2].

Nous contestons au législateur une telle autocratie, et plus encore quand elle se manifeste par des mesures qui, après tout, n’encouragent l’un dans une certaine proportion qu’en décourageant l’autre dans une proportion plus grande encore, comme c’est le propre du système protecteur, selon notre honorable correspondant lui-même.

  1. V. au tome IV, page 342, le pamphlet La Loi ; et les chap. xvii et xx des Harmonies. (Note de l’éditeur.)
  2. V. au tome IV, page 442, le pamphlet, Baccalauréat et socialisme. (Note de l’éditeur.)