gnole et diplomatique. Nous nous bornons à signaler l’absurdité et le danger de la théorie professée ici par le noble pair.
Dire qu’un pays commercial et industriel a intérêt à annuler tous les autres, afin de les inonder de ses produits, afin d’en nourrir, vêtir, loger, héberger les habitants, c’est renfermer en deux lignes un si grand nombre de contradictions, qu’on ne sait comment s’y prendre seulement pour les montrer[1].
Ce qui fait la richesse d’un négociant, c’est la richesse de sa clientèle ; et, quand M. de Noailles affirme que l’Angleterre veut appauvrir ses acheteurs, j’aimerais autant lui entendre dire que la maison Delisle, notre voisine, attend pour faire fortune que Paris soit ruiné, qu’on n’y donne plus de bals et que les dames y renoncent à la toilette.
D’un autre côté, il semble, d’après M. de Noailles, qu’un peuple spécialement aspire à nourrir et vêtir tous les autres, — qu’en cela ce peuple fait un calcul, et, ce qui est fort étrange, un bon calcul. Ce peuple désire qu’on ne travaille nulle part, afin de travailler pour tout le monde. Son but est de mettre à la portée de chacun le vivre et le couvert, sans jamais rien accepter de personne, tout ce qu’il accepterait étant une perte pour lui ; et enfin, voici le comble du merveilleux, M. de Noailles croit et dit, sans rire, que c’est par une semblable politique que l’Angleterre, donnant beaucoup et recevant peu, appauvrit les autres et s’enrichit elle-même.
En vérité, il est temps qu’un pareil tissu de banalités cesse d’être la pâture intellectuelle de notre pays. Nous
- ↑ Cette pensée qui a plus d’une fois excité la juste indignation de Bastiat (V. la page 462 du tome III), est encore le thème favori de l’école protectionniste. Elle a été récemment reproduite, sous une forme pompeuse, par un écrivain de cette école, M. Ch. Gouraud, à la page 259 de son Essai sur la liberté du commerce des nations. (Note de l’éditeur.)