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et l’abaissement du prix occasionné par l’impuissance des acheteurs, ce dernier effet ne prévaut pas sur le premier, auquel cas évidemment vous perdriez et sur le prix de vente et sur la quantité vendue.

À cela vous dites qu’il y a contradiction. Que, puisque c’est à l’élévation du prix qu’est imputable l’impuissance relative des consommateurs, on ne peut admettre que, sous le régime de la liberté, le prix s’élevât, sans admettre par cela même un rétrécissement de débouchés ; que, par la même raison, un accroissement de débouchés implique un abaissement du prix, puisque l’un est effet et l’autre cause.

Il y a à répondre que vous vous faites illusion. On peut certainement concevoir un pays où tout le monde soit assez dans l’aisance pour qu’on y puisse vendre les choses même à un bon prix, et un autre pays où tout le monde soit si dénué qu’on n’y peut trouver du débit même à bon marché. C’est vers ce dernier état que nous conduisent et les grosses taxes qui vont au Trésor, et les grosses taxes qui vont aux fabricants ; et il arrive un moment où le Trésor et les fabricants n’ont plus qu’un moyen de maintenir et d’accroître leurs recettes, c’est de relâcher le taux de la taxe et de laisser respirer le public.

Au reste, ce n’est pas là une argumentation dénuée de preuves. Chaque fois qu’on a soustrait un peuple à la pression d’un droit protecteur, il est survenu que deux tendances opposées ont agi sur le prix. L’absence de protection l’a certainement poussé vers la baisse ; mais l’accroissement de demande l’a poussé tout aussi certainement vers la hausse ; en sorte que le prix s’est au moins maintenu, et le profit net de l’opération a été un excédant de consommation. Vous dites que cela n’est pas possible. Nous disons que cela est ; et si vous voulez consulter les prix courants du café, des soieries, du sucre, des laines,