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Il faut en convenir, M. Peel a conduit cette révolution financière avec une énergie, une audace qui étonnent. Ce n’est pas sans raison qu’il caractérisait souvent ces mesures par ces mots : « Bold experiment, » expérience hardie. Ce n’est pas nous qui voudrions altérer la renommée de cet homme d’État et la reconnaissance des classes laborieuses d’Angleterre, et on peut dire de tous les pays. Mais l’exécution c’est assez pour sa gloire, et nous devons dire en toute justice que l’invention appartient tout entière à un théoricien, à un simple journaliste, M. James Wilson, dont les conseils, s’ils étaient suivis, sauveraient peut-être l’Irlande de 1847 comme ils ont sauvé l’Angleterre de 1840.

Maintenant, les hommes qui cherchent les succès de leur industrie dans le monopole nous demanderont quelle analogie il y a entre les faits que nous venons de rappeler et le régime protecteur.

Nous les prions de regarder les choses de près et de voir s’ils ne sont pas dans la position assez ridicule où s’est trouvé l’Échiquier en 1840.

Qu’est-ce que la protection ? Une taxe sur les consommateurs. Vous dites qu’elle vous profite. Sans doute, comme les taxes profitent au Trésor. Mais vous ne pouvez pas empêcher que ces taxes n’amoindrissent les facultés du public consommateur, sa puissance d’acheter, de payer, d’absorber des produits. Certainement, il consomme moins de blé et de drap que s’il lui en venait de toutes les parties du monde. C’est déjà un grand mal, nous dirons même une grande injustice ; mais, relativement à vous, à votre intérêt, la question est de savoir si vous ne subirez pas le sort du fisc ; s’il n’y a pas un moment où cet anéantissement des forces de la consommation vous prive de débouchés dans une telle mesure, que cela fait plus que compenser le taux de la protection ; en d’autres termes, si dans cette lutte entre l’exhaussement artificiel du prix dû au droit protecteur