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gleterre écrase la Hollande ou qu’elle soit écrasée. »

Il n’est pas surprenant, il est même très-naturel que cette action malfaisante de l’Angleterre sur le monde ait provoqué une réaction plus ou moins sourde, plus ou moins explicite chez tous les peuples, et particulièrement chez le peuple français ; car l’Angleterre ne peut manquer de rencontrer toujours la France en première ligne sur son chemin, soit que celle-ci, obéissant à la même politique, aspirât à la même domination, soit qu’elle cherchât à propager les idées d’affranchissement et de liberté.

Cet antagonisme d’idées et d’intérêts n’a pu se poursuivre pendant des siècles, amener tant de guerres, se manifester dans tant de négociations, sans déposer dans le cœur de nos concitoyens un levain d’irritation et de défiance toujours prêt à éclater. L’Angleterre, sous l’action du système mercantile, y a subordonné toutes ses forces militaires, navales, financières, diplomatiques. Garantie par la mer contre toute invasion, placée entre le nord et le sud de l’Europe, elle a profité de cette situation pour saper toute puissance qui osait se manifester, tantôt menaçant le despotisme septentrional des mouvements démocratiques du Midi, tantôt étouffant les aspirations libérales du midi sous le despotisme soudoyé du Nord.

Les personnes, et elles sont nombreuses, qui croient encore, par un faux raisonnement ou par un faux instinct, au système mercantile, considèrent et doivent considérer le mal comme irrémédiable et la lutte comme éternelle. C’est ce qu’elles expriment par cette assertion qu’on croit profonde et qui n’est que triste : « Les Français et les Anglais sont des ennemis naturels. »

Cela dépend de savoir si la théorie mercantile, qu’a jusqu’ici professée et pratiquée l’Angleterre, et qui ne pouvait manquer de lui attirer la haine des peuples, est vraie ou fausse, bonne ou mauvaise. — Voilà la question.