Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/190

Cette page a été validée par deux contributeurs.

ajoute, par voie d’insinuation, que les manufacturiers ses compatriotes ont mis à cet effet deux millions à sa disposition.

Nous avons cru devoir traiter cette stratégie déloyale avec le mépris qu’elle mérite. Les faits répondaient pour nous. L’association du libre-échange a été fondée à Bordeaux le 10 février, à Paris en mars, à Marseille en août, c’est-à-dire plusieurs mois avant le triomphe inattendu de la ligue anglaise, avant les réformes de sir R. Peel, avant que Cobden eût jamais paru en France. C’est plus qu’il n’en faut pour nous justifier d’une accusation plus absurde encore qu’odieuse.

D’ailleurs, Bordeaux n’a-t-il pas réclamé de tout temps contre l’exagération des tarifs ? MM. d’Harcourt et Anisson-Duperron ne défendent-ils pas, depuis qu’il y a une tribune en France, le principe de la liberté commerciale ? M. Blanqui ne l’enseigne-t-il pas depuis dix-sept ans au Conservatoire, et M. Michel Chevalier depuis six ans au Collége de France ? M. Léon Faucher n’a-t-il pas publié, dès 1845, ses Études sur l’Angleterre ? MM. Wolowski, Say, Reybaud, Garnier, Leclerc, Blaise, etc., ne soutiennent-ils pas la même cause dans le Journal des économistes, depuis la fondation de cette revue ? Enfin, la grande lutte entre le Droit commun et le Privilége ne remonte-t-elle pas au temps de Turgot, et même de Colbert et de Sully ?

Loin de croire que ces clameurs ridicules pussent arrêter le progrès de notre cause, il nous paraissait infaillible qu’elles tournassent tôt ou tard à la confusion de ceux qui se les permettent. Nous sommes, disions-nous, devant un public intelligent, par qui de semblables moyens sont bientôt appréciés ce qu’ils valent. Quand une grande question se pose devant lui, calomnier, incriminer les intentions, dénaturer les faits, tout cela n’a qu’un temps. Il arrive un moment où il faut enfin donner des raisons.