Page:Œuvres complètes de Frédéric Bastiat, Guillaumin, 2.djvu/187

Cette page a été validée par deux contributeurs.

n’en croient pas un mot, que nous sommes les instruments de la propagande britannique.

Et où avez-vous vu, Messieurs, que le principe de la liberté des transactions fût purement, exclusivement anglais ? Ne souhaitons-nous pas tous la liberté des mers et la liberté des mers est-elle autre chose que la liberté commerciale ? Ne nous plaignons-nous pas tous que l’Angleterre, par ses vastes conquêtes, a fermé à nos produits la cinquième partie du globe, et pouvons-nous recouvrer ces relations perdues autrement que par le libre-échange ?

Où avez-vous vu que l’Angleterre prêche et fait prêcher au dehors la réciprocité ? L’Angleterre, par une lutte acharnée et qui remonte au ministère de Huskisson, confère à ses concitoyens le droit d’échanger. Sans s’occuper de la législation des autres peuples, elle modifie sa propre législation selon ses intérêts. Qu’elle compte sur l’influence de l’exemple, sur le progrès des lumières, qu’elle se dise : « Si nous réussissons, les autres peuples entreront dans la même voie, » nous ne le nions pas. N’est-ce pas là de la propagande légitime ? Mais ce qu’elle fait, elle le fait pour elle et non pour nous. Si elle rend à ses concitoyens le droit de se procurer du blé à bas prix, c’est-à-dire de recevoir une plus grande quantité d’aliments contre une somme donnée de travail ; à ses colons le droit d’acheter leurs vêtements sur tous les marchés du monde ; à ses négociants le droit d’exécuter leurs transports avec économie, n’importe par quel pavillon, c’est parce qu’elle juge ces réformes conformes à ses intérêts. Nous le croyons aussi, et il paraît que vous partagez cette conviction : voilà donc un point convenu. En renonçant au régime protecteur, en adoptant la liberté, l’Angleterre suit la ligne de ses intérêts[1].

La question, la vraie question entre nous est de savoir si

  1. V. au tome III, la note de la page 137. (Note de l’éditeur.)