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les résistances physiques, intellectuelles, morales, économiques, religieuses, comment empêchera-t-on cette autorité de devenir despotique et d’exploiter le monde à son profit ?

Il n’est donc pas possible, et il ne m’est pas venu dans la pensée que M. Vidal ait entendu parler d’une association universelle imposée par la force brutale.

Reste donc l’association universellement persuadée, ou autrement dit volontaire.

Ici nous entrons dans une autre série d’obstacles.

Deux hommes ne s’associent volontairement qu’après que les avantages et les inconvénients possibles de l’association ont été par chacun d’eux mûrement pesés, mesurés et calculés. Et encore, le plus souvent, ils se séparent brouillés.

Maintenant, comment déterminer un milliard d’hommes à former une Société ?

Rappelons-nous que les cinq sixièmes ne savent pas lire, qu’ils parlent des langues diverses et ne s’entendent pas entre eux ; qu’ils ont les uns contre les autres des préventions souvent injustes, quelquefois fondées ; qu’un grand nombre, malheureusement, ne cherchent que l’occasion de vivre aux dépens du prochain, qu’ils ne s’accordent jusqu’ici sur rien, pas même sur la question de savoir ce qui vaut mieux de la restriction ou de la liberté. Comment rallier immédiatement, toutes ces convictions à un système quelconque d’organisation ?

Alors surtout qu’on leur en présente une quarantaine à la fois, et que l’imprimerie peut en jeter trente tous les matins sur la place ?

Ramener instantanément le genre humain à une conviction uniforme ! Hélas ! j’ai vu trois hommes s’unir dans la même entreprise, sincèrement persuadés qu’un même principe les animait ; je les ai vus en désaccord après une heure d’explication.