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forts des négociants ont ce résultat en vue, — dès qu’il est conforme au bien général, il n’y a qu’à les laisser faire. La liberté et la paix sont les conséquences nécessaires de cette doctrine.

L’opinion que l’exportation du numéraire constitue une perte étant très-répandue, et selon nous très-funeste, qu’il nous soit permis de saisir cette occasion d’en dire un mot.

Un homme qui a un métier, par exemple un chapelier, rend des services effectifs à ses pratiques. Il garantit leur tête du soleil et de la pluie, et, en récompense, il entend bien recevoir à son tour des services effectifs en aliments, vêtements, logements, etc. Tant qu’il garde les écus qui lui ont été donnés en payement, il n’a pas encore reçu ces services effectifs. Il n’a entre les mains pour ainsi dire que des bons qui lui donnent droit à recevoir ces services. La preuve en est que s’il était condamné, dans sa personne et sa postérité, à ne jamais se servir de ces écus, il ne se donnerait certes pas la peine de faire des chapeaux pour les autres. Il appliquerait son propre travail à ses propres besoins. Par où l’on voit que, par l’intervention de la monnaie, le troc de service contre service se décompose en deux échanges. On rend d’abord un service contre lequel on reçoit de l’argent, et l’on donne ensuite l’argent contre lequel on reçoit un service. Ce n’est qu’alors que le troc est consommé.

Il en est ainsi pour les peuples.

Quand il n’y a pas de mines d’or et d’argent dans un pays, comme c’est le cas pour la France et l’Angleterre, il faut nécessairement rendre des services effectifs aux étrangers pour recevoir leur numéraire. On les nourrit, on les abreuve, on les meuble, etc. ; mais tant qu’on n’a que leur numéraire, on n’a pas encore reçu d’eux les services effectifs auxquels on a droit. Il faut bien en arriver à la satisfaction des besoins réels, en vue de laquelle on a travaillé. La présence même de cet or prouve que la nation a satisfait au de-