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les impôts, et aucun de nous n’entend aliéner, à cet égard, la liberté de son opinion.

« Mais voici que quelques propriétaires de jardins veulent systématiquement empêcher l’entrée des légumes afin de mieux vendre les leurs ; voici que, pour justifier cette prétention, ils émettent une bizarre théorie de l’échange, qui représente ce fondement de toute société comme funeste en soi ; voici que cette théorie envahit les convictions de nos concitoyens et que nous sommes menacés de la voir appliquée successivement à tous les articles du tarif de l’octroi ; voici que, grâce à cette théorie qui décrédite les importations, les arrivages vont diminuer, jusqu’à affaiblir les recettes de l’octroi, en sorte que nous verrons accroître dans la même proportion les autres impôts : nous nous associons pour combattre cette théorie, pour la ruiner dans les intelligences, afin que la force de l’opinion fasse cesser l’influence qu’elle a exercée et qu’elle menace d’exercer encore sur nos tarifs. »


20. — LE MONDE RENVERSÉ.


18 Avril 1847.


Un navire arriva au Havre, ces jours-ci, après un long voyage.

Un jeune officier, quelque peu démocrate, débarque, et rencontrant un de ses amis : Oh ! des nouvelles, des nouvelles ! lui dit-il, j’en suis affamé.

— Et nous, nous sommes affamés aussi. Le pain est hors de prix. Chacun emploie à s’en procurer tout ce qu’il gagne ; l’énorme dépense qui en résulte arrête la consommation de tout ce qui n’est pas subsistance, en sorte que l’industrie souffre, les ateliers se ferment, et les ouvriers voient baisser leurs salaires en même temps que le pain renchérit.