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reine, qui dispose que la reine choisira les alcades parmi trois candidats nommés par le peuple. Les exaltés ont jeté de hauts cris ; de là la révolution de Barcelone et l’intervention du sabre d’Espartero. Mais, chose qui ne se voit qu’ici, la reine, quoique contrainte à changer de ministère, en a nommé un autre qui maintient la loi déjà votée et sanctionnée. Sans doute que, parvenu au pouvoir par une violation de la constitution, il a cru devoir manifester qu’il la respectait en laissant promulguer une loi qui avait reçu la sanction des trois pouvoirs. C’est donc demain qu’on proclame cette loi : cela se passera-t-il sans trouble ? je ne l’espère guère. En outre, comme on attribue à la France et à notre nouvel ambassadeur une mystification aussi peu attendue, après les événements de Barcelone, il est à craindre que la rage des exaltés ne se dirige contre nos compatriotes ; aussi j’aurai soin d’écrire à ma tante après-demain, parce que les journaux ne manqueront pas de faire bruit de l’insurrection qui se prépare. Elle ne laisse pas que d’être effrayante, quand on songe qu’il n’y a ici, pour maintenir l’ordre, que quelques soldats dévoués à Espartero, qui doit être mortellement blessé de la manière dont son coup d’État a été déjoué.

Mais quel sujet de réflexions que cette Espagne qui, pour arriver à la liberté, perd la monarchie et la religion qui lui étaient si chères ; et, pour arriver à l’unité, est menacée dans ses franchises locales qui faisaient le fond même de son existence !

Adieu ! ton ami dévoué. Je n’ai pas le temps de relire ce fatras, tire-t’en comme tu pourras.

P. S. Mon cher Félix, la tranquillité de Madrid n’a pas été un moment troublée. Ce matin, les membres de l’ayuntamiento se sont réunis en séance publique pour promulguer la nouvelle loi qui ruine leur institution. Ils ont fait suivre cette cérémonie d’une énergique protestation, où ils