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années malheureuses, ils payeront très-rigoureusement aux compagnies belges et anglaises qui, incertaines de l’avenir, aspirent à rembourser l’État avec le produit des terres.

Le simple paysan, dans les années calamiteuses, n’aura plus la soupe à la porte des couvents.

Enfin les simples propriétaires ne peuvent plus vendre leurs terres qu’à vil prix. — Voilà, ce me semble, les conséquences de cette désastreuse opération.

Des hommes plus capables avaient proposé de profiter d’un usage qui existe ici : ce sont des baux de 50 et même 100 ans. Ils voulaient qu’on affermât aux paysans, à des taux modérés, pour 50 ans. Avec le produit, on aurait payé l’intérêt annuel de la dette et relevé le crédit de l’Espagne ; et au bout de 50 ans, on aurait un capital déjà immense, plus que doublé probablement par la sécurité et le travail. Tu vois d’un coup d’œil la supériorité politique et financière de ce système.

Quoi qu’il en soit, il n’y a plus de moines. Que sont-ils devenus ? Probablement les uns sont morts dans les montagnes, au service de don Carlos ; les autres auront succombé d’inanition dans les rues et greniers des villes ; quelques-uns auront pu se réfugier dans leurs familles.

Quant aux couvents, ils sont convertis en cafés, en maisons publiques, en théâtres et surtout en casernes, pour une autre espèce de dévorants plus prosaïque que l’autre. Plusieurs ont été démolis pour élargir les rues, faire des places ; sur l’emplacement du plus beau de tous, et qui passait pour un chef-d’œuvre d’architecture, on a construit un passage et une halle qui se font tort mutuellement.

Les religieuses ne sont guère moins à plaindre. Après avoir donné la volée à toutes celles qui ont voulu rentrer dans le monde, on a enfermé les autres dans deux ou trois couvents, et comme on s’est emparé de leurs propriétés, qui représentaient les dots qu’elles apportaient à leur ordre,