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places et des portefeuilles ne fasse dévier de cette ligne de rectitude dans laquelle leurs commettants espéraient les voir marcher. Encore si le mal ne s’étendait pas au delà de l’enceinte du Palais-Bourbon ! Mais vous le savez, monsieur, les deux armées qui se disputent le pouvoir transportent leur champ de bataille au dehors. Les masses belligérantes sont partout, les chefs seuls sont dans la Chambre, et c’est de là qu’ils donnent le mot d’ordre. Ils savent bien que, pour arriver au corps de la place, il faut emporter les ouvrages extérieurs, les journaux, la popularité, l’opinion, les majorités électorales. Il est donc fatal que toutes ces forces, à mesure qu’elles viennent s’enrôler sous l’un des chefs de file, s’imprègnent et s’imbibent de la même insincérité. Le journalisme, d’un bout de la France à l’autre, ne discute plus les mesures, il les plaide, et il les plaide, non au point de vue de ce qu’elles ont en elles-mêmes de bon ou de mauvais, mais au seul point de vue de l’assistance qu’elles peuvent prêter momentanément à tel ou tel meneur. On sait bien qu’il n’y a guère de journaliste éminent dont l’avenir ne doive être affecté par l’issue de cette guerre de portefeuilles. Quelle politique le ministre suit-il au Texas, au Liban, à Taïti, au Maroc, à Madagascar ? N’importe. La presse ministérielle n’a qu’une devise : È sempre bene ; et celle de l’opposition, comme la vieille femme de la satire, laisse lire sur son jupon Argumentabor.

Il faudrait une plume plus exercée que la mienne pour retracer tout le mal que fait en France le journalisme propageant l’esprit de parti, et (notez bien ceci, c’est le cœur de ma thèse) le propageant uniquement pour servir tel député qui veut être ministre. Vous approchez de la personne du roi, monsieur, je n’aime guère à la faire intervenir dans ces discussions. Cependant je puis dire, puisque c’est l’opinion de l’Europe, qu’il a contribué à maintenir la paix du monde. Mais peut-être avez-vous été témoin des sueurs