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thètes plus sanglantes que celles de transfuge, traître, apostat, elles ne lui eussent pas été épargnées. Cependant il est un reproche que je n’ai jamais entendu formuler ni même insinuer contre lui : c’est celui d’avoir fait servir ses succès parlementaires à sa fortune personnelle. J’admets qu’il pousse la probité jusqu’à l’abnégation. J’accorde qu’il ne cherchera jamais le triomphe de sa personne que pour mieux assurer le triomphe de ses principes. C’est, d’ailleurs, un genre d’ambition qu’il a formellement avouée.

Eh bien, ce philosophe austère, cet homme à principes, nous l’avons vu dans l’opposition. Et qu’y faisait-il ? Tout ce que peut suggérer la soif du pouvoir. Afficher des vues démocratiques qui ne sont pas les siennes, s’envelopper d’un patriotisme farouche qu’il n’approuve pas, susciter des embarras au gouvernement de son pays, entraver les négociations les plus importantes, fomenter la coalition, se liguer avec qui que ce soit, fût-ce l’ennemi du trône, pourvu qu’il le soit du ministre, combattre hors des affaires ce qu’aux affaires il eût soutenu, diriger contre M. Molé les batteries d’Ancône comme M. Thiers dirige contre lui les batteries du Maroc, enfin appeler de tous ses vœux et de tous ses efforts une crise ministérielle, et créer sciemment à son propre ministère futur les difficultés de tels précédents ; voilà ce qu’il faisait, et pourquoi ? Parce qu’il y a dans la Charte un article 46, un serpent tentateur qui lui disait :

« Vous serez égal aux Dieux ; arrivez au pouvoir, n’importe la route, et vous serez la Providence du pays ! » Et le député, séduit, prononce des discours, expose des doctrines, se livre à des actes que sa conscience réprouve, mais il se dit : Il le faut bien pour arriver au ministère ; que j’y parvienne enfin, et je saurai bien reprendre ma pensée réelle et mes vrais principes.

Est-il besoin de rappeler d’autres faits ? Eh ! mon Dieu,