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tion réelle de la Chambre ? Quelle différence y a-t-il ? Une seule. L’arène est plus vaste, le théâtre plus élevé, le champ de bataille plus étendu, l’aliment des passions plus excitant, le prix de la lutte plus convoité, les questions qui servent de texte ou de prétexte au combat plus brûlantes, plus difficiles et partant plus propres à égarer le sentiment et le jugement de la multitude. C’est le désordre organisé sur le même modèle, mais sur une plus grande échelle.

Des hommes ont occupé leur esprit de politique, c’est-à-dire qu’ils ont rêvé de grandeur, d’influence, de fortune et de gloire. Tout à coup le vent de l’élection les jette dans l’enceinte législative ; et que leur dit la constitution du pays ? Elle dit à l’un : « Tu n’es pas riche ; le ministre a besoin de grossir ses phalanges, il dispose de toutes les places, et la loi ne t’en interdit aucune. Conclus. » Elle dit à un autre : « Tu te sens du talent et de l’audace ; voilà le banc des ministres ; si tu les en chasses, ta place y est marquée. Conclus. » À un troisième : « Ton âme n’est pas à la hauteur d’une telle ambition, et pourtant tu as promis à tes électeurs de combattre le ministère ; mais une voie vers la région du pouvoir te reste : voilà un chef de parti, attache-toi à sa fortune. »

Alors, et cela est infaillible, alors commence ce pêle-mêle d’accusations réciproques, ces efforts inouïs pour mettre de son côté la force d’une popularité éphémère, cet étalage fastueux de principes irréalisables, quand on attaque, et de concessions abjectes, quand on se défend. Ce n’est que piéges et contre-piéges, mines et contre-mines. On voit se liguer les éléments les plus hétérogènes et se dissoudre les plus naturelles alliances. On marchande, on stipule, on vend, on achète. Ici, l’esprit de parti forme une coalition ; là, la souterraine habileté ministérielle en fait échouer une autre. Tout événement que le temps amène, portât-il dans ses flancs une conflagration générale, est