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chacun le libre exercice de ses facultés et la naturelle récompense de ses efforts. Ce n’est déjà pas sans quelque danger, disent-ils, que la nation confie à un corps hiérarchiquement organisé le redoutable dépôt de la force publique. Il le faut bien ; mais du moins qu’elle se garde de lui donner encore autorité sur les consciences, sur les intelligences, sur l’industrie, si elle ne veut être réduite à l’état de propriété, à l’état de chose.

Et c’est pour cela qu’il y a une Charte. Et c’est pour cela que dans cette Charte il y a un article 15 : « Toute loi d’impôt doit être d’abord votée par la Chambre des députés. » Car, remarquez-le bien, chaque invasion de la puissance publique, dans le domaine de l’activité privée, implique une taxe. Si le gouvernement prétend s’emparer de l’éducation, il lui faut des professeurs à gages et partant une taxe. S’il aspire à soumettre nos consciences à un symbole, il lui faut un clergé et partant une taxe. S’il doit exécuter les chemins de fer et les canaux, il lui faut un capital et partant une taxe. S’il doit faire des conquêtes en Afrique et dans l’Océanie, il lui faut des armées, une marine, et partant une taxe. S’il doit pondérer les profits des diverses industries par l’action des tarifs, il lui faut une douane et partant une taxe. S’il est chargé de fournir à tous du travail et du pain, il lui faut des taxes et toujours des taxes.

Or, par cela même que, selon notre droit public, la nation n’est pas la propriété de son gouvernement, que c’est pour elle et non pour lui qu’existent la religion, l’éducation, l’industrie, les chemins de fer, etc., c’est à elle et non à lui qu’il appartient de décider quels services lui seront confiés, quels lui seront retirés. Elle en a le moyen dans l’article 15 de la Charte. Il lui suffit de refuser une taxe pour acquérir par cela même une liberté.

Mais si elle abandonne à l’État et à ses agents, au pouvoir exécutif et à ses instruments, le soin de fixer ce grand