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correspondance vous révélait en moi un homme professant des opinions fausses et dangereuses, vous étiez en droit d’avertir le public. J’admets que vous vous êtes décidé sous l’influence de cette seule préoccupation d’intérêt général. Peut-être eût-il été plus convenable d’opter entre une réserve absolue et une publicité entière. Vous avez préféré quelque chose qui n’est ni l’un ni l’autre : le colportage officieux, insaisissable d’une lettre dont je n’ai pas gardé la minute et dont je ne puis par conséquent expliquer et défendre les expressions. Soit. Je n’ai pas le plus léger doute sur la fidélité du copiste qui a été chargé de la reproduire, et cela me suffit.

Mais, monsieur, cela suffit-il pour remplir votre but, qui est sans doute d’éclairer la religion de MM. les électeurs ? Ma lettre a rapport à un fait particulier, ensuite à une doctrine politique. Le fait, je l’ai à peine indiqué, et cela est tout simple, puisque je m’adressais à quelqu’un qui en connaissait toutes les circonstances. La doctrine, je l’ai ébauchée comme on peut le faire en style épistolaire. Cela ne suffit pas pour le public ; et puisque vous l’avez saisi, permettez-moi de le saisir à mon tour.

Je répugne trop à introduire des noms propres dans ce débat pour insister sur le fait particulier. Le besoin de ma défense personnelle pourrait seul m’y décider, et je me hâte d’en venir à la grande question politique qui fait le sujet de votre lettre : l’incompatibilité du mandat législatif avec les fonctions publiques.

Je le déclare d’avance : je ne demande pas précisément que les fonctionnaires soient exclus de la Chambre ; ils sont citoyens et doivent jouir des droits de la cité ; mais qu’ils n’y soient admis qu’à titre de citoyens et non à titre de fonctionnaires. Que s’ils veulent représenter la nation sur qui s’exécute la loi, ils ne peuvent pas être les exécuteurs de la loi. Que s’ils veulent représenter le public qui