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quelques rouages à la vaste machine dont elle convoite la direction. Au reste, nous l’avons vue à l’œuvre. Son chef a été premier ministre ; le premier ministre a été son chef. Elle a gouverné sous l’une et l’autre bannière. Qu’y avons-nous gagné ? À travers ces évolutions, jamais le mouvement ascensionnel du budget a-t-il été suspendu une minute ?

L’opposition, telle que je la conçois, c’est la vigilance organisée du public. Elle est calme, impartiale, mais permanente comme la réaction du ressort sous la main qui le presse. Pour que l’équilibre ne soit pas rompu, ne faut-il pas que la force résistante des administrés soit égale à la force expansive des administrateurs ? Elle n’en veut point aux hommes, elle n’a que faire de les déplacer, elle les aide même dans le cercle de leurs légitimes fonctions ; mais elle les y enferme sans pitié.

Vous croyez peut-être que cette opposition naturelle, qui n’a rien de dangereux ni de subversif, qui n’attaque le pouvoir ni dans ses dépositaires, ni dans son principe, ni dans son action utile, mais seulement dans son exagération, est moins antipathique aux ministres que l’opposition factieuse. Détrompez-vous. C’est celle-là surtout qu’on craint, qu’on hait, qu’on fait avorter par la dérision, qu’on empêche de se produire au sein des colléges électoraux, parce qu’on voit bien qu’elle va au fond des choses et poursuit le mal dans sa racine. L’autre opposition, l’opposition personnelle, n’est pas aussi redoutable. Entre les hommes qui se disputent les portefeuilles, quelque acharnée que soit la lutte, il y a toujours un pacte tacite, en vertu duquel le vaste appareil gouvernemental doit être laissé intact. « Renversez-moi si vous le pouvez, dit le ministre, je vous renverserai à votre tour ; seulement, ayons soin que l’enjeu reste sur le bureau, sous forme d’un budget de quinze cents millions. » Mais le jour où un député, parlant au nom des