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le pays et qu’ils se perdent eux-mêmes. Ils ont la majorité, mais le mensonge notoire des scrutins élève au fond de leur conscience une protestation qui les importune. Ils règnent, mais ils voient que, sous leur règne, le budget s’accroît d’année en année, que le présent est obéré, l’avenir engagé, que la première éventualité nous trouvera sans ressources, et ils n’ignorent pas que l’embarras des finances fut toujours l’occasion des explosions révolutionnaires. Ils gouvernent, mais ils ne peuvent pas nier qu’ils gouvernent les hommes par leurs mauvaises passions, et que la corruption politique pénètre dans toutes les veines du pays légal. Ils se demandent quelles seront les conséquences d’un fait aussi grave, et ce qui doit advenir d’une nation où l’immoralité est en honneur et où la foi politique est un objet de dérision et de mépris. Ils s’inquiètent de voir le régime constitutionnel faussé dans son essence, jusque-là que le pouvoir exécutif et l’assemblée nationale ont publiquement échangé leurs attributions, les ministres cédant aux députés la nomination à tous les emplois, les députés abandonnant aux ministres leur part du pouvoir législatif. Ils voient, par cet ordre, un profond découragement s’emparer des serviteurs de l’État, alors que la faveur et la docilité électorale sont les seuls titres à l’avancement, et que les plus longs et les plus dévoués services sont comptés absolument pour rien. Oui, l’avenir de la France trouble les conservateurs ; et combien n’y en a-t-il pas parmi eux qui passeraient à l’opposition, s’ils y trouvaient quelques garanties pour cette paix intérieure et extérieure qui est l’objet de leur prédilection !

D’un autre côté, l’opposition, comme parti, a-t-elle confiance dans la solidité du terrain où elle s’est placée ? Que demande t-elle ? que veut-elle ? quel est son principe ? son programme ? Nul ne le sait. Son rôle naturel serait de veiller au dépôt sacré de ces trois grandes conquêtes de la