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« Quand il s’agit de l’importation ou de l’exportation de quelque superfluité, on peut reculer devant l’application de la vérité générale. Mais en fait de blé, il ne faut pas hésiter, car le blé, c’est la vie du peuple. Or, on ne joue pas avec la vie ; vivre d’abord, voilà la vérité sans réplique. Les expériences gouvernementales après le nécessaire, voilà le bon sens. »

Or, pourquoi la vérité du libre commerce, de la libre exportation et de la libre importation fait-elle trembler et reculer l’économiste ? Le voici, quant à la France, par exemple :

Ou la liberté est le meilleur moyen d’assurer l’abondance et la bonne distribution des produits (ce n’est qu’à cette condition qu’elle est la vérité générale), et dans ce cas, il faut l’appliquer à tout et au blé à fortiori ; ou il y a des moyens plus sûrs d’accomplir cette œuvre, et alors elle n’est pas la vérité générale, pas plus pour les joujoux que pour le blé.

« Premièrement, c’est que le blé étant la vie de tout un peuple, et la passion de vivre étant la plus légitime, et la plus terrible passion des hommes, la moindre faute de commerce, la moindre erreur de calcul dans les importations et les exportations de blé, la moindre inquiétude sérieuse de la population sur la vie, produirait des commotions et des pénuries telles qu’aucun législateur humain et sage ne pourrait y exposer son pays.

Puisque le blé c’est la vie ; puisque la moindre erreur de calcul dans l’importation ou l’exportation du blé peut produire la pénurie ; puisque aucun législateur sage et humain ne peut prendre sur lui d’y exposer son pays, il faut donc laisser le commerce libre, la liberté étant d’ailleurs la vérité générale, c’est-à-dire le moyen le moins chanceux d’assurer l’abondance et la bonne distribution. N’est-il pas évident qu’une erreur de calcul, dont les conséquences peuvent être si terribles, est infiniment plus probable de la part d’un ministre, qui n’y a pas un intérêt direct, et qui a bien d’autres choses en tête, que de la part de cent mille négociants qui passent leur vie à faire ces calculs, de l’exactitude desquels dépend leur propre existence ?

« Secondement, c’est que le blé

Si ce que vous dites de la libre