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gation, de fière indépendance, dont abonde la noble carrière du publiciste ! Chacun de nous se reportait au temps à jamais passé de notre jeunesse, quand l’orateur disait :

« Le temps où s’est distingué M. Comte est déjà loin de nous. Ils sont loin de nous les souvenirs de ces convictions généreuses, de ces luttes persévérantes, de ces intrépides dévouements qui animaient tant de fermes esprits, qui inspiraient tant de nobles conduites. Alors on croyait aux idées avec une foi vive, on aimait le bien public avec une passion désintéressée. Ces belles croyances, qui sont l’honneur de l’intelligence humaine, M. Comte les a eues jusqu’à l’enthousiasme. Ces fortes vertus, qui sont aussi nécessaires à un peuple pour rester libre que pour le devenir, M. Comte les a portées jusqu’à la rudesse. »

Ah ! malgré le triste et décourageant spectacle qui s’offre de toute part autour de nous, quoique l’on n’aperçoive plus ni convictions énergiques, ni courage civil, ni résistance à la corruption, on ne saurait désespérer d’un pays où le simple récit de la vie de M. Comte éveille une si vive et si unanime satisfaction ! Non, le scepticisme n’a pas tout envahi, tout altéré, tout dégradé là où se montre cette ancre de salut du peuple, — l’intelligence d’honorer ce qui est honorable, — là où la puissance d’admiration vit encore !

Deux circonstances concouraient à jeter un intérêt touchant et comme quelque chose de dramatique sur cette solennité littéraire. Derrière l’orateur, le fauteuil de la présidence était occupé par M. Dunoyer. Chacun sentait que l’éloge de M. Mignet et l’enthousiasme de l’assemblée s’adressaient indirectement au collaborateur, à l’ami de M. Comte, à celui qui avait partagé les mêmes travaux, essuyé les mêmes persécutions, montré le même dévouement. Au premier banc des spectateurs, on voyait vêtus de deuil les quatre enfants de M. Comte, qu’une mort hâtée par le travail et la persécution avait trop tôt privés de leur père.