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vous circonscrivez son action. Ce droit au travail ne pourra être invoqué que dans des cas rares, dans des cas extrêmes, pour cause de vie seulement (propter vitam), et à la condition que son application ne créera jamais, contre le travail des industries libres et le tarif des salaires volontaires, la concurrence meurtrière de l’État.

Réduites à ces termes, les mesures que vous annoncez sont du domaine de la police plutôt que de l’économie sociale. Je crois pouvoir affirmer, au nom des économistes, qu’ils n’ont pas d’objections sérieuses à faire contre l’intervention de l’État dans des cas rares, extrêmes, où, sans nuire aux industries libres, sans altérer le tarif des salaires volontaires, il serait possible de venir, propter vitam, au secours d’ouvriers momentanément, brusquement déplacés, sous le coup de crises industrielles imprévues. — Mais, je vous le demande, pour aboutir à ces mesures d’exception, fallait-il remuer toutes les théories des écoles les plus opposées ? fallait-il élever drapeau contre drapeau, principe contre principe, et faire retentir aux oreilles des masses ces mots trompeurs : droit au travail, droit de vivre ! Je vous dirai, en empruntant vos propres expressions : « Ces idées ne sont si sonores que parce qu’il n’y a rien dedans que du vent et des tempêtes. »

Monsieur, je ne pense pas que le Ciel ait jamais accordé à un homme des dons plus précieux que ceux qu’il vous a prodigués. Il y a assez de chaleur dans votre âme, assez de puissance dans votre génie pour que le siècle subisse votre influence et fasse, à votre voix, un pas de plus dans la carrière de la civilisation. Mais pour cela, il ne faut pas que vous alliez butiner d’ici, de là, dans les écoles les plus opposées, des principes qui s’excluent. Votre prodigieux talent est un puissant levier ; mais ce levier est sans force s’il n’a pour point d’appui un principe. — Naguère vous vous présentâtes devant l’opposition, la bonne foi au cœur et