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« Ces navires en fer reviennent-ils plus cher que les navires en bois ? — À peu près. La matière est, il est vrai, plus chère, mais on la travaille avec une telle facilité, une telle précision, le système de l’étalonnage présente tant d’avantages, que cela compense bien et au delà le prix du fer. — En quoi donc consiste la supériorité de ce nouveau mode de construction ? — Le navire dure plus, les pièces qui le composent se changent plus facilement, il a moins de tirant d’eau, il est plus léger ; et comme le tonnage se calcule par les trois dimensions, il porte plus, à tonnage égal, et économise les taxes à la marchandise. — En sorte, lui dis-je, que, la concurrence s’en mêlant, c’est le consommateur qui profitera de ces avantages ; vos armateurs baisseront le prix du fret, et nous, Français, qui avons déjà tant de mal à lutter contre vos navires en bois, nous serons tout à fait évincés par vos navires en fer. — Cela est probable, me dit-il, à moins que vous ne fassiez comme nous, ou, si vous ne pouvez, que vous n’achetiez nos bâtiments. — Pourriez-vous me démontrer par des chiffres ces deux points décisifs : 1o les navires en fer ne reviennent pas plus cher que les navires en bois ; 2o ils portent plus, à tonnage égal ? — Venez chez moi ; tous mes livres sont à votre disposition. — Est-ce que vous ne craignez pas de divulguer des secrets qui font votre fortune ? — Ce n’est pas le secret, mais la publicité qui fera ma fortune. Plus on sera convaincu de la supériorité des navires en fer, plus je recevrai des ordres de construction. D’ailleurs, si mes procédés sont bons, comme je le crois, je ne demande pas mieux que l’humanité en profite ; et, quant à moi, quel que soit le sort de cette industrie, j’ai la confiance d’utiliser toujours l’amour du travail et le peu de connaissances qu’il a plu à la Providence de me donner. »

Je regrettai, on le croira sans peine, que le temps ne me permît pas de compulser les livres que l’honnête quaker