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même qu’à cette cause d’infériorité viennent s’ajouter le haut prix du combustible, l’insuffisance de l’outillage, l’inexpérience des constructeurs et des ouvriers ; vous ne disconvenez pas que c’est le régime de la prohibition qui a placé notre marine dans cette situation humiliante et ridicule, et, après tout cela, vous concluez… au maintien de ce régime !

Et remarquez comme la rapacité du monopole est habile à faire argument de tout, même des données les plus contradictoires ! Lorsque, délivré de toute concurrence, il est parvenu à créer dans le pays une industrie factice, à détourner vers un emploi onéreux les capitaux et les bras, et à couvrir ses pertes par des taxes déguisées mais réelles, quelle est la raison sur laquelle il s’appuie pour prolonger et perpétuer son existence ? Il montre ces capitaux que la liberté va détruire, ces bras qu’elle va paralyser ; et cet argument a tant de puissance qu’il n’est pas encore de ministère ou de législature qui ait osé l’affronter. « C’est un malheur, disent humblement les intérêts privilégiés, que la protection nous ait jamais été accordée. Nous comprenons qu’elle pèse lourdement sur le public. Nous avons cru, que, grâce à cette protection dont la loi a entouré notre enfance, nous parviendrions bientôt à voler de nos propres ailes, à marcher dans notre force et notre liberté. Nous nous sommes trompés. La société a partagé notre erreur. C’est elle, pour ainsi dire, qui nous a appelés à l’existence. Elle ne peut plus maintenant nous laisser mourir. Nous avons des droits acquis.

Aujourd’hui ce terrible argument est pris à rebours. « Nous n’avons pas encore employé le fer à la construction des navires. Il n’y a ni bras ni capitaux engagés dans cette voie. D’ailleurs, les matériaux, le combustible, les outils, les entrepreneurs, les ouvriers nous manquent. En outre, cette branche d’industrie exige des connaissances spéciales